Turquie : la dérive autoritaire du « sultan » Erdogan
Orgueilleux, coupé de l’opinion, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan est convaincu d’avoir été choisi par Dieu pour diriger la . Il concentre sur sa personne toutes les frustrations. La colère de la rue depuis une semaine marque une rupture.
Les manifestations, il connaît. Sa marche en avant politique s’est opérée dans un contexte d’opposition féroce de la part du camp laïc. Cette mobilisation un peu trop disciplinée pour être entièrement spontanée n’a pas empêché Recep Tayyip Erdogan de s’installer la tête du pouvoir en maître quasi absolu, conforté par une infiltration de tout l’appareil d’Etat par les islamistes, et une faveur populaire non démentie depuis dix ans.
Aujourd’hui toutefois, les choses sont un peu différentes. La fièvre qui secoue un nombre croissant de villes turques depuis une semaine est montée de façon inattendue, alors que tout avait été mis en place pour décourager la contestation :
mainmise sur des médias rachetés ou intimidés,accusations de complot et poursuites judiciaires tous azimuts contre les opposants, les sceptiques et les curieux.Et dans l’assemblage hétéroclite de protestataires figurent, aux côtés de la gauche et des laïcs, des compagnons de route déçus et une majorité de jeunes gens qui sortaient de l’enfance lorsque le Parti de la justice et du développement (AKP) est arrivé au pouvoir.
Des jeunes adultes qui n’ont donc rien connu d’autre que son règne moralisateur et autoritaire mais, portés par la démocratisation réalisée dans le cadre du rapprochement européen et par l’ouverture économique, aspirent profondément, note Ahmet Insel, professeur de sciences politiques l’Université Galatasaray d’Istanbul, un changement de style politique.
Cela, le « sultan » comme on le surnomme depuis son passage la mairie d’Istanbul dans les années 1990, ne semble pas le comprendre. Il a recouru sa riposte habituelle, taxant les manifestants d’extrémistes manipulés de l’extérieur, évoquant même un complot militaire.
Puis il s’est (...)